Les Voyages Temporels de Matthias Mentis Episode 4
Les Voyages Temporels de Matthias Mentis Episode 4
-Chef, qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Rothis, l’un des meilleurs guerriers du village dirigé par Cingetotis.
Ce dernier, confronté à l’inconnu, cherchait une explication logique à ce qui dressait devant leurs yeux.
Au milieu de la prairie sur laquelle ils avaient déjà bataillé contre de nombreux envahisseurs ennemis, des bâtiments étranges avaient miraculeusement poussé et le sol les entourant semblait recouvert d’une étrange substance sombre.
-C’est sans doute la cité d’un nouvel envahisseur qui nous est encore inconnu, déclara Cingetotis.
-C’est incroyable la vitesse à laquelle ils ont construit tout cela ! s’étonna Corotis, toujours flanqué dans les pattes de son chef.
-Tu as raison, admit son supérieur. Il faut nous méfier de tout ceci. C’est peut-être un piège…
Il caressa un moment sa barbe, réfléchissant à la stratégie qu’il allait adopter face à cette intrusion inattendue.
-Rothis ! appela-t-il.
L’intéressé s’avança vers son chef.
-Tu vas choisir deux hommes et vous allez partir en mission de reconnaissance. Ne vous faites surtout pas repérer et revenez vite. Je veux que vous essayiez de voir quelles sont les défenses dont dispose l’ennemi.
-Très bien, ce sera fait, répondit le grand guerrier.
Il se tourna vers ses camarades guerriers.
-Garbotos ! Alattotis ! Avec moi !
Le grand guerrier à la tresse blonde s’avança, accompagné d’un guerrier un peu plus petit mais à la musculature impressionnante, arborant une chevelure rousse touffue.
-Nous sommes prêts ! s’exclamèrent-ils en chœur.
-Parfait. Soyez aussi discrets qu’un renard à la chasse et ne prenez surtout aucun risque inconsidéré, leur conseilla Cingetotis.
En gardant bien en tête les conseils avisés de leur chef, les trois guerriers posèrent le pied sur la substance grise qui recouvrait le sol du camp de leurs nouveaux ennemis. Ils furent surpris de constater que la surface était parfaitement lisse et très dure. Alattotis s’agenouilla pour renifler le sol. Il se releva aussitôt en grimaçant.
-Je n’ai jamais rien senti d’aussi désagréable, déclara-t-il. Impossible de suivre une piste à l’odorat sur cette surface.
Rothis dégaina son glaive, rapidement imité par ses deux compagnons.
-Restons sur nos gardes, dit-il. Nous ne sommes sans doute pas au bout de nos surprises.
Ils avançaient lentement, regardant tout autour d’eux avec attention, s’attendant à voir un quelconque danger surgir à chaque instant par une porte ou une fenêtre. Plus ils progressaient et plus les bâtiments autour d’eux devenaient grands et imposants. Ils se sentaient comme pris au piège dans ce labyrinthe de murs étranges et la claustrophobie commençait à les gagner.
-J’ai entendu dire qu’il y a de grands bâtiments comme ceux-ci dans une cité du sud appelée Rome, déclara Garbotos sur le ton de la confidence.
-Tu crois qu’ils peuvent venir jusqu’ici pour nous envahir ? s’enquit Rothis.
Le guerrier à la tresse blonde haussa les épaules. Il n’en avait aucune idée.
-Il est étrange que toutes leurs portes et leurs fenêtres soient construites de façon à ce que l’on ne distingue rien de l’extérieur… remarqua Alattotis.
-Ce peuple doit être très méfiant envers ses congénères. J’imagine qu’ils ne doivent pas beaucoup s’aimer entre eux, supposa Rothis.
-Si c’est le cas, nous n’aurons aucune difficulté à les battre. Un peuple qui n’est pas solidaire est plus facile à écraser, conclut le guerrier roux.
-Tu as raison, mais il ne faut pas pour autant que nous relâchions notre attention. On ne sait pas quelle surprise ils peuvent nous réserver, le tempéra Garbotos.
Ils continuèrent à avancer sur la pointe des pieds, scrutant avec attention tout ce qui leur semblait étrange.
Soudain, le guerrier à la tresse blonde montra du doigt la façade d’un bâtiment.
-Regardez ! Une fenêtre est ouverte, s’écria-t-il.
-Tu as raison, confirma Alattotis. Allons voir ça de plus près. Ca pourrait être riche en enseignements…
Ils avancèrent à tâtons vers l’ouverture qui allait leur permettre de s’immiscer dans l’intimité de ce peuple étrange, ce qui était nettement plus aisé sur cette surface que ça ne l’était en pleine forêt. Rothis passa la tête dans l’embrasure de la fenêtre, prêt à agir au cas où il serait accueilli de façon musclée. Il fut étonné par l’abondance de choses diverses accumulées dans la pièce qu’il avait sous les yeux.
-Alors ? s’enquit Garbotos, impatient.
-Il n’y a personne, je crois. Mais je ne suis pas sûr que ce soit la résidence de quelqu’un. Ca ressemble plus à une sorte de débarras…
N’y tenant plus, ses deux compagnons explorateurs vinrent constater par eux-mêmes de quoi il retournait.
-Tu as raison, admit Alattotis. On est bien loin du style dépouillé de nos huttes…
-Je ne sais pas s’ils vivent dans ce genre d’environnement, mais je sais que je ne le pourrais pas. Je ne serais vraiment pas à l’aise au milieu d’une telle décoration… confessa le guerrier roux.
-Qu’est-ce que c’est ? demanda Garbotos en désignant un gros cube noir posé devant une sorte de grosse chaise rembourrée.
-Aucune idée, admirent les deux autres.
Ils observaient avec émerveillement ce monde qui leur semblait tellement différent de celui dans lequel ils avaient toujours vécu.
-Vous avez vu ? Ils ont même une sorte de grand récipient dans lequel ils élèvent leurs poissons, fit remarquer Alattotis.
-C’est ingénieux ! Cela leur évite de devoir aller à la pêche, dit Rothis. En revanche, leurs poissons sont étranges. Nous n’avons pas les mêmes par chez nous.
-Je ne pense pas que je me risquerai à consommer un poisson multicolore, déclara le guerrier blond en riant.
Les autres se mirent également à rire bruyamment, oubliant la discrétion dont ils devaient faire preuve en terrain hostile. Soudain, le visage de Rothis se figea.
Au bout de la rue, il venait d’apercevoir un couple arrivant dans leur direction. Ceux-ci les regardèrent avec insistance mais, contrairement à ce que les trois gaulois attendaient, ils ne fuirent pas. Bien au contraire, ils changèrent de trottoir et continuèrent à avancer vers les guerriers en pressant le pas.
-Nous sommes repérés, constata Rothis. Tant pis, il ne faut pas qu’ils puissent parler de nous. Capturons la femme et débarrassons-nous de l’homme.
-Pourquoi ne pas les tuer tous les deux ? s’enquit le guerrier à la tignasse rousse.
Son interlocuteur leva les yeux au ciel.
-Tout simplement parce qu’il nous sera certainement très utile d’avoir un prisonnier à interroger. Je comprends mieux pourquoi le chef m’a désigné pour prendre la tête de cette mission…
-Tu me cherches ? Si c’est la bagarre que tu veux, je suis ton homme, répliqua aussitôt Alattotis, touché dans sa fierté.
Son supérieur hiérarchique temporaire se posta face à lui et le toisa du regard d’un air méprisant.
-Tu ne me fais vraiment pas peur. J’ai toujours été un meilleur guerrier que toi et ça, tu ne l’as jamais accepté !
Garbotos s’empressa de les séparer et de se positionner entre eux, le temps que les esprits échauffés de ses deux compagnons ne se calment.
-Dois-je vous rappeler que nous avons une mission ? dit-il. Vous règlerez votre petit différent lorsque nous serons revenus au camp.
Les deux guerriers se lancèrent un regard mauvais. Un début de sourire se dessina à la commissure des lèvres de Rothis. Finalement, ne pouvant rester sérieux plus longtemps, il éclata de rire, aussitôt imité par celui avec lequel il était prêt à en venir aux mains quelques secondes plus tôt.
-Excuse-moi de m’être emporté, dit Alattotis en donnant une grande tape dans le dos de son camarade.
-Ce n’est rien. C’est moi qui ai commencé, répondit son supérieur en lui rendant sa tape affectueuse.
-Maintenant que vous êtes réconciliés, on pourrait peut-être nous occuper d’eux, rappela le grand blond en indiquant d’un geste du menton le couple qui marchait d’un pas pressé sur le trottoir opposé.
Les deux individus étaient habillés de façon étrange. La femme portait un simple morceau de tissu rose qui laissait découvertes la quasi-totalité de ses jambes. Les gaulois se demandèrent quel homme pouvait laisser sa femme sortir accoutrée de la sorte. Justement, l’homme en question était engoncé dans d’étroits vêtements noirs de la tête aux pieds. Les guerriers ne voyaient pas comment il pouvait supporter d’être vêtu ainsi. Si ça avait été eux, ils se seraient déjà débarrassés depuis longtemps de cette prison de tissu.
-Drôles d’accoutrements… résuma le guerrier à la tresse blonde.
Les deux autres acquiescèrent en ne quittant pas des yeux les deux étrangers.
-Bon, passons à l’action ! lança soudain Rothis.
-Ce n’est pas trop tôt. Mes articulations commençaient à rouiller, répondit Garbotos en faisant craquer ces dernières.
Ils dégainèrent tous trois leur glaive et le brandirent au-dessus de leur tête en hurlant. Les deux habitants de cette étrange cité s’arrêtèrent et les regardèrent avec inquiétude.
-A l’attaque ! s’époumona le chef de la petite troupe en traversant la rue en courant.
Les deux autres l’imitèrent en poussant leur cri de guerre.
L’homme vêtu de noir fut prit de panique et voulut tirer sa compagne par la main afin de fuir en rebroussant chemin. Celle-ci resta figée sur place, ne comprenant pas ce qui se passait. L’homme hésita un instant avant de détaler en abandonnant sa femme, préférant sauver sa peau plutôt que tenter quelque chose d’inconsidéré contre trois gaillards de cette carrure.
Alattotis prit l’initiative de le prendre en chasse, alors que ses camarades encerclèrent la jeune femme qui paraissait avoir pris le ciel sur la tête.
Le petit guerrier roux se fit rapidement distancer par l’homme qui courait comme si sa vie en dépendait, ce qui était le cas en un sens. Il tourna au coin de la rue et disparut de la vue du gaulois qui se maudit d’être aussi trapu, ce qui l’handicapait beaucoup pour la course à pied.
Alattotis revint sur ses pas, tout penaud.
-Tu l’as laissé filer ! le sermonna Rothis.
-Oh, ça va ! Il courait sacrément vite et vous ne l’auriez pas rattrapé non plus !
Garbotos n’en semblait pas convaincu.
-Tu te rends compte qu’il va aller prévenir les guerriers de ce village ? jugea-t-il bon de rappeler.
-Je le sais très bien ! Mais il est trop tard pour faire quoi que ce soit de toute façon. Emportons la fille et partons vite d’ici, répondit le guerrier roux.
Le chef désigné par Cingetotis soupira.
-Il a raison. Ne traînons pas ici.
Le grand guerrier blond attrapa la jeune femme par le bras et la regarda dans les yeux. Elle avait de longs cheveux bruns qu’elle avait attachés dans son dos et les traits de son visage étaient fins et harmonieux. Il la trouva très attirante.
-Comprenez-vous ce que je dis ? demanda-t-il en essayant de ne pas la brusquer.
La captive ouvrit de grands yeux dans lesquels l’incompréhension était palpable.
-Je ne pense pas qu’elle parle notre langue, conclut Rothis. Tant pis, emmenons-la et nous verrons cela au village.
Garbotos la tira par le bras pour la faire avancer. Constatant qu’elle n’y mettait pas du sien, il se résigna à la soulever du sol et à la prendre sur son épaule, comme s’il transportait un sac de graines.
-Bien, maintenant ne traînons pas ici, déclara-t-il en prenant la direction de la sortie de la cité ennemie.
A suivre.
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